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« Se raconter pour exister, un récit social performatif en « je » : autobiographies et poèmes lesbiens dans les revues féministes et lesbiennes des années 1970 à 1990. »

 

- Mathilde Petit

 

Je tiens à remercier les Archives, Recherches et Cultures Lesbiennes (ARCL) ainsi que les militantes bénévoles sans lesquelles ce travail n’aurait pas été possible. Je remercie également le comité de lecture de la revue, ainsi que les relecteur·rices anonymes de cet article. Je remercie enfin tout particulièrement Pauline Gregory pour ses relectures et ses précieux conseils.

 

Introduction

          Dans les productions d’écrits lesbiens au sein des revues lesbiennes et féministes, la prédominance d’un récit rédigé à la première personne nous interpelle. En interaction avec les discours politiques et militants qui affirment la politisation du privé, l’emploi récurrent du « je » fait émerger un sujet à la fois intime et politique, support de la mise en action de soi par le langage. À travers l’analyse d’extraits issus d’une dizaine de revues francophones[1] produits entre 1971 et 1991, nous explorerons ce pan peu exploité d’une production autobiographique pourtant foisonnante. Réalisées en non-mixité et favorisant l’expression de chacune au bénéfice de lectrices qui pourront s’y reconnaître, certaines revues sont des bulletins de liaison tandis que d’autres se créent autour de collectifs indépendants, aux lignes politiques souvent affirmées[2]. Ces revues diffusent des récits de soi protéiformes - témoignages, analyses de journaux intimes publiés, poésies, essais politiques à la première personne - au sein desquels les autrices articulent la prise de conscience de la portée politique du « je » avec leurs expériences personnelles, depuis le refus de la performance de genre jusqu’à la contestation de l’ordre hétéropatriarcal. Comment se raconter à la première personne constitue-t-il une performance de soi politique et militante, permettant d’échapper à l’écueil de l’expérience individuelle pour contribuer à la production d’une réflexion collective des systèmes d’oppression; ainsi qu’à l’affirmation de soi par la production de ses propres signifiants ? Dans la première partie de cet article, nous explorerons comment la force performative de ce mode d’expression se mobilise selon deux pratiques : écrire pour exister, pour rendre visible ses expériences pour soi et pour d’autres ; et performer son vécu personnel en luttes et théories, en soulignant l’aspect collectif et systémique des oppressions jusqu’à se fondre parfois dans le « nous ». Dans la seconde partie, nous analyserons comment cette forme d’écriture est constitutive d’une performance de l’existence lesbienne par la production de nouveaux signifiants et langages, à même de s’affirmer positivement à travers soi et ses relations amoureuses. Nous intégrerons à ce corpus la forme littéraire du poème en tant que médium central de réinvention de l’amour et de l’érotisme du point de vue et selon les critères des autrices, affirmant ainsi sa place constitutive du récit de soi lesbien.

 

                I. Entre performance de soi et prise de conscience du privé comme politique : produire un récit social performatif.

 

          Produire un récit de soi à partir d’expériences constitutives de son identité lie nécessairement les autrices à leur environnement social et politique. Dans les extraits qui vont suivre, elles mettent des mots sur des silences et des non-dits d’enfance de femmes et de lesbiennes, et analysent leurs résistances aux injonctions et performativités de genre. Par ces analyses auto-sociobiographiques, elles produisent une vérité sur elles-mêmes nécessaire pour apporter une lumière nouvelle à des oppressions collectives jusqu’ici associées à des traumatismes personnels, souvent tus ou sur-individualisés dans des thérapies psychanalytiques. Au travers de cette parole à la première personne, se dessine un récit social performatif dont l’existence dépend de narratrices qui affirment leur légitimité à s’exprimer sur elles-mêmes et par elles-mêmes, conscientisant la portée collective et politique de leurs expériences.

 

I.1. Entre récit de soi et performance : écrire pour exister, écrire pour s’affirmer.

 

          Le silence comme norme sociale, imposée aux femmes au sein d’un système patriarcal détenteur du langage et des mots légitimes pour nommer et définir les oppressées, est central dans les analyses féministes occidentales des années 1970. La couverture du Torchon Brûle (deuxième édition) expose cette écriture en « je », qui s’affirme tout en dénonçant son absence d’expression : « je suis écrite mais je n’écris pas », « je suis celle qui n’a pas de langage […] celle qui n’existe pas ». Écrire qu’on n’écrit pas permet de reprendre sa place au centre de l’action, dans une performance de soi qui rend compte d’une parole existante mais inaudible. Sont dénoncées ici deux formes oppressives du langage : son appropriation (être racontée) et son absence par privation ou obligation au silence. Ce dernier devient un « matériau à façonner et un principe actif » (Galichon, 244), remplissant des pages entières d’écritures, dénonçant son pouvoir de domination et de négation : « je n’ai jamais connu de répression plus terrible que celle du silence et de la négation. […] Frappez au ventre que je vous voie [,] tout plutôt que ce silence qui dit que je n’existe pas ! » (Anonyme 2, 13). Plus difficile à contrer qu’une menace concrète et incarnée, le silence se construit et s’incorpore, par l’apprentissage de « ce qui ne se dit pas » (Brossard, 94) comme fil conducteur de l’enfance à l’âge adulte : « ma vie : tous ces silences : silences de gosses, silence de femme, silence d’homosexuelle. Ces trois ordres de se taire, imposés par un même ennemi diffus dans toutes les têtes […] L’ordre moral du pouvoir-phallus. » (Anonyme 2, 13). Dans cet entremêlement des injonctions, l’oppression patriarcale est clairement identifiée, prenant aussi la forme imagée du « guerrier vainqueur qui s’empare de toutes les voix y compris de la tienne pour parler en la sienne. » (Gomez, 7). Elle est décrite comme diffuse et difficilement identifiable comme collective car subie isolément. Les autrices décrivent des cris étouffés, un besoin de s’exprimer « trop longtemps plongé[es] dans les ténèbres » (Gomez, 7), inexprimable, empêché ou ignoré : « le cri le plus vertigineux est resté dans le silence » (Astruc, 13) ; « mes cris crèvent au-dedans » (Françoise C., 67). Le « je » est le vecteur idéal pour ces récits qui transmutent des émotions débordantes de colère, souffrance ou joie en expression écrite, comparable au cri dans leurs formes libératrice et expressive : « Chaque écriture porte une parole. Chacune de nos paroles peut être entendue comme un cri » (Éditorial 3, 1). Les autrices font exister leurs vécus et en produisent conjointement une analyse a posteriori[3] au sein de laquelle le « je » et le « nous » se confondent parfois : « nous avons appris le silence, l’immobilité, le cloître du quotidien. Muettes et sans expression [...] » (Gomez, 7). En joignant la contrainte des corps dans l’immobilité et le « cloître du quotidien », Gomez souligne l’apprentissage de la performance de genre au sens butlerien : apprendre, répéter et exécuter quotidiennement son genre en incorporant les critères normatifs qui y sont associés[4] mais ne se formulent pas. Une autrice en témoigne ainsi : « enfance triste et sale où les filles devaient subir leurs conditions de futures femmes soumises tandis que mes frères se prélassaient et discutaient avec le père. » (Anonyme 3, 15). Les récits de soi analytiques apportent une réflexivité sur un présent antérieur revu à l’aune du présent d’écriture, permettant de verbaliser les heurts ressentis, mais aussi de faire apparaître les pratiques de résistances à une performativité censée produire un « genre naturel de l’être[5] » :

 

 Je n’ai pas voulu de nœud rose dans mes cheveux. […] Je n’ai pas voulu me séparer des jeux de mes frères et jouer seule à la poupée. […] J’ai préféré les pantalons aux jupes qui m’entravent. Etais-je un « garçon manqué », une « sale gouine », une petite fille déjà révoltée ? (Anonyme 1[6], 9).

*

Je devais […] entrer dans le moule qu’on réserve aux petites filles […] Résultat, je voulus résister […] quand on est petite, on ne peut pas savoir qu’il y a d’autres solutions ; on ne peut pas inventer un “être fille” autrement que celui de robes-jolie-mari-enfant » […] Me réapproprier mon passé, […] savoir que j’ai réussi à passer à travers une partie du conditionnement que je devais subir (Isabelle, 22-23).

 

Les termes « garçon manqué » et « sale gouine » sont entre guillemets pour signifier leur apposition par l’extérieur, l’entourage ou la société, quand l’autrice elle-même n’avait pas de mots pour expliquer ses premières révoltes contre des vêtements et habitudes de jeux culturellement attribuées aux garçons[7]. Dans son refus d’être une « vraie[8] » fille, Isabelle revient sur les caractéristiques associées à cette représentation et à leur valeur dépréciée. En rédigeant « on ne peut pas inventer un “être fille” autrement », l’autrice privilégie pour la seule fois le « on », universalisant ce qu’elle n’a pas pu concevoir, faute d’avoir eu accès à d’autres possibles. En réaffirmant ce « je », les autrices se réapproprient leur passé de résistance, produisant un « nouveau régime de vérité […] vers un devenir-expression de l’expérience vécue » (Galichon, 244-245), en dehors ou contre des interprétations jusqu’alors imposées par un système patriarcal les empêchant de rendre compte de la « réalité de [leurs] perceptions » (Brossard, 93). Sans cette action, impossible de « se faire une image précise de soi qui ne soit ni fictive, ni conforme à l’image aliénante que le dominant tente systématiquement d’implanter dans la conscience du colonisé[9] » (93). En tant que lesbiennes, les autrices affirment ces résistances comme « preuve de continuité dans le refus » (Isabelle, 23) ou un « cheminement des expériences » qui s’incarne également dans les corps et les postures : « mes épaules tombent :“ redresse-les sinon tu ne trouveras pas de mari ” me disait ma mère. Alors je les ai courbées encore plus pour être bien sûre de ne jamais en avoir » (Charest, 46). Cette préparation « soigneusement programmée » menant « droit au mariage avec un être de sexe masculin » est une récurrence de l’éducation reçue par les autrices et des injonctions sociales auxquelles elles se sont opposées non sans difficulté :

 

Je présume que je me serais posé moins de question si tout s'était déroulé dans l’ordre prévu : mais je me suis mise à ne pas jouer le jeu, […] la programmation de mon corps, de mon esprit, de mon cœur par un ordre social quelconque m’est devenu chaque année plus insupportable (Anonyme 4, 21).

 

Se réapproprier ce décalage, comprendre et expliciter « l’origine [de mes] passions et cette révolte précieuse qui [me] maintient en vie » (Charest, 46) transforme l’image du passé et agit nécessairement sur le présent et sur la capacité à affirmer sa propre existence. Elles se réapproprient ainsi leurs vécus ignorés ou dé-légitimés et performent leur existence en devenant « sujet de vérité[10] » sur elles-mêmes (Foucault, 509), dans un processus de transformation de soi et de re-subjectivation. Se raconter entre les pages de journaux militants est une manière de porter une vérité sur son expérience à d’autres lectrices qui auraient pu connaître des vécus similaires, sans avoir pu les formuler. Ce partage est une donnée essentielle, puisque pour réaliser la performance de soi et l’énonciation de sa vérité sur elle-même, l’émettrice dépend de sa réceptrice : « sans le “tu”, ma propre histoire devient impossible » (Butler, 32[11]).

 

I.2. Un « je » qui devient « nous », la fabrication d’une lutte collective.

 

        Un récit de soi produit pour une revue militante interroge cette réception qui dessine les contours d’un « je » tendant vers le « nous ». Réfléchissant à la publication des écrits, Michelle et Jocelyne racontent : « si j’écris, je suis contente de savoir qu’il y a le plus de femmes possible qui le lisent » (Michelle, 21) ; « C’est vraiment un échange l’écriture, c’est une production qui vient de toi […] et les gens en font ce qu’ils veulent » (Jocelyne, 21). Bien que le texte échappe à son autrice une fois publié, la projection vers une lectrice induit une transformation de soi au travers de la compréhension de l’autre[12]. Cette subjectivation politique foucaldienne « ne vise pas à fixer une identité […] mais à “ s’inventer soi-même ” dans l’événement du présent » (Galichon, 51). Cette prise de parole revêt une portée politique qui engage dans un double mouvement de mise en visibilité et de « (dé)possession de soi » comme « moyen, paradoxal, d’accéder à la représentativité » (Laugier, 346). Mais que signifie cette dernière lorsque les autrices ne signent pas leurs textes ? Si l’anonymat complet permet d’être moins aisément, voire non identifiée publiquement, le choix d’une signature par prénom seul ou pseudonyme, plus récurrent son absence totale, permet d’être uniquement reconnue dans le cercle des parutions lesbiennes, par des amies ou connaissances. Il s’agit aussi pour d’autres de « remettre en question le patriarcat » au sein duquel le nom de famille définit prioritairement l’identité, quitte paradoxalement à entraîner une invisibilité pour des lesbiennes inconnues (AHLA 1983, 2). Signer ou non engage une réflexion intimement liée au choix d’apparaître et de se nommer : « quel jeu incroyable pour nous que de s’essayer à dire JE, de se nommer et de se reconnaître dans l’effroyable et mortel univers assujetti aux lois des hommes » (Éditoriale[13], 4). Politiquement, le choix de l’anonymat permet d’accentuer l’effacement du vécu individuel au profit de son interprétation collective. Le « je » se fait pluriel, voire se fond dans un « nous » choisi et construit.

 

La domination, l’exploitation et l’aliénation que les femmes subissent ne sont plus […] des « accidents de la nature » mais plutôt le fait d’un ensemble de données que l’on pourrait appeler système patriarcal, duquel chaque homme tire profit. Une fois établi le « missing link » entre la vie privée et le politique, le « Je » devient pluriel. Ce « Je » peut désormais dire nous (Brossard, 97).

 

Les revues mettent « l’emphase sur des écrits qui se rapportent directement [aux] réalités quotidiennes » (Éditorial 1, 8), et se trouvent mis en lien avec d’autres types de productions politiques, créant une cohérence ou une confrontation entre les vécus individuels et les réflexions collectives qui analysent les oppressions. Le témoignage est ici un outil analytique porteur d’un éclairage politique sur les expériences, qui permet de faire prendre conscience aux autrices et à leurs lectrices de leur portée collective. Dans le cas des expériences traumatiques, l’écriture et sa diffusion permettent conjointement de transgresser le silence, mais également de sortir d’un cadre thérapeutique qui individualise et coupe l’agression de son contexte social, voire la normalise dans certains cas :

 

 Je suis lesbienne à cause de mon père

M’a dit la PSY

Foutue pour l’hétérosexualité

Et pire blanchi le patriarche

Flicard et travailleur

Ses mains n’auraient dû toucher que du béton[14]  (Françoise C., 67).

 

L’ellipse qui laisse entendre l’inceste sans le nommer est caractéristique de cet « inavouable » qui, lorsqu’il « prend pour la première fois la forme de l’écrit », est « donné à lire à la fois comme énigme et évidence » (Brossard, 94). Le « je » individuel est d’ailleurs évacué et s’efface au profit du retrait de soi du récit, sauf pour reprendre l’affirmation de la psychanalyste qui a conclu à l’inceste comme cause d’un lesbianisme jugé déviant. Ces analyses lesbiennes et féministes[15] remettent donc en cause la psychanalyse mais aussi la psychiatrie qui véhiculent les normes oppressives de l’hétéropatriarcat, notamment par la recherche de causes traumatiques ou « inconscientes » au lesbianisme : « l’inconscient lui-même est un produit de l’histoire […] nous voulons le reconsidérer du point de vue unique de l’oppression » (Anonymes, 9). Le prisme d’analyse des normes freudiennes, inadéquates et dévalorisantes, est lui aussi remis en question :

 

Dirais-je là qu’il y a une identité [lesbienne] dévalorisante ? […] Au nom de quelle théorie ? Ou pis de quelle réalité secrète, cachée à moi-même par moi-même ancienne, et qui serait quelque fixation à la mère dont je ne saurais me débarrasser ? […] Cet historicisme plaque des modèles contestables sur le vivant que je suis et je refuse à quelques savantesses même de génie le droit de faire le géomètre à mes dépens (Geneviève, 2).

 

Ici, le point de vue scientifique vient s’opposer aux expertises de vie des autrices, notamment lorsque les praticien·nes les réassignent à des normes issues de leurs propres jugements moraux :

 

Cette clandestinité me rend malade [...] J’ai été hospitalisée deux mois dans un service psychiatrique […] Le « professeur » m’a convoquée pour un entretien. Il a commenté mon dossier et m’a déclaré avec dégoût : « Madame, vous êtes immorale. » (Marianne, 24).

 

Cependant, la réitération de ces récits biographiques qui transgressent le tabou autour de la santé mentale des femmes, atteste que les autrices ne sont pas internées ou en psychanalyse du fait de leur lesbianisme[16] mais de l’épuisement causé par des répressions quotidiennes rendues invisibles[17], contribuant ainsi à l’isolement de celles qui les expérimentent jusqu’au sein des espaces thérapeutiques. Elles décrivent les oppressions quotidiennes qu’elles subissent en tant que femmes et lesbiennes, leurs expériences de peurs continuelles, le rejet, la répression sociale, les agressions verbales et physiques : « sept ans à se cacher, à être traquées, insultées. » (Anonyme 2, 15). Des peurs partagées mais vécues isolément sur lesquelles Geneviève insiste :

 

Les femmes ont peur, il faut oser le dire. Les femmes lesbiennes encore plus, bien sûr. Il n’y a aucune honte à le dire, ce n’est pas manque de courage ni faiblesse congénitale et naturelle, il faut aussi et en même temps le dire [...]  Et lutter contre (13).

 

Dans la suite de son récit, elle décrit la « peur de la colère masculine et de son pouvoir », celle du rejet des enfants, de la perte du statut social et économique de femme mariée et « respectable », peur d’être démasquée. Autant de sanctions qui paralysent et mènent à nier aux autres et à soi-même des relations lesbiennes qui pourtant existent, mais dont on ne peut déterminer dans son récit lesquelles sont issues de son expérience, de ses connaissances ou d’inconnues grâce à l’emploi d’un « je » typiquement pluriel : « non je ne connais pas cette femme » ; « non je ne suis pas lesbienne […] et quand cette femme me tient dans ces bras j’y reste tant que je n’ai pas pris conscience que c’est elle » (13). Mettre en commun des expériences et les confronter permet ici « de prendre clairement conscience de ce que leur oppression, subie individuellement, est une oppression collective » (Anonymes, 9). Si la forme écrite ne permet pas de dialogue direct entre les expériences de chacune, les traces laissées se communiquent de manière différée à un public plus large de lectrices, bénéficiant de cette forme de partage qui pourra nourrir leurs réflexions. En politisant l’intime dans un « nous » unificateur[18], les autrices performent leurs expériences comme base d’une lutte collective contre les systèmes oppressifs.

 

                II. Performer l’existence lesbienne : le « je » de l’affirmation positive

 

        Produire son propre récit est indispensable en tant que lesbienne pour performer son vécu et ne pas être assujettie à des critères normatifs extérieurs. En se racontant en « je », les autrices dénoncent un système hétéropatriarcal dont les oppressions imprègnent les représentations les plus intimes. En lutte contre l’imposition d’une complémentarité hétérosexuelle socialement construite et érigée en relation idéale, elles opposent de nouveaux signifiants issus de leurs expériences et d’un langage réapproprié. Une fois achevé le déconditionnement mental, les autrices ont à cœur de faire exister leurs relations de manière autonome, dans une performance d’elles-mêmes individuelle et collective, voire historique. Nous incluons à notre corpus la forme poétique, dès lors que l’écrit est rédigé à la première personne et intègre des éléments autobiographiques explicites ou imagés (Galichon, 73), retenant ainsi l’idée selon laquelle les récits de soi relèvent d’un principe de transversalité leur conférant des aspects protéiformes (Galichon, 63)[19]. Par ce médium, les autrices lesbianisent leur écriture par des modifications de termes, d’accords mais aussi par la création d’univers métaphoriques propres, qui universalise leur positionnement et les rend plus encore sujets de leurs récits. Au travers d’un érotisme toujours politique, elles produisent imaginaires, théories et savoirs ancrés dans les corps.

 

II.1. Des récits de soi comme expression/production d’une communauté politique

 

          En tant que femme et a fortiori que lesbienne, produire un récit de soi est un passage obligé pour performer son existence, à rebours de l’analyse hétéropatriarcale : « je suis toujours frappée par l’énormité du fossé qui existe entre ce qu’on a pu dire sur nous et notre propre expérience. » (Bonnet, 123). Cela étant, il existe une différence notable entre se rendre visible – parler de et pour soi-même - et s’exposer (123) et c’est pourquoi certaines comme Marianne privilégient la notion de secret[20] (« regard intérieur ») à celle de silence reposant sur l’« occultation des hommes et [le] mutisme des femmes » (Bonnet, 123). Le secret nuance et valorise une préservation de l’intimité face au « manque de maturité des “autres” à […] pouvoir véritablement dialoguer avec nous » :

 

Si toutes les lesbiennes sortaient de la clandestinité, il faudrait quand même garder en nous cette dimension du secret qui est la marque de notre individualité et un espace intérieur de ressourcement (123).

 

En cela, le secret ne s’oppose pas à la lutte contre l’oppression du silence mais laisse place à l’agentivité des autrices vis-à-vis de leur stratégie personnelle, à savoir choisir entre ce qu’elles veulent affirmer et souhaitent préserver. Et notamment « quand pendant des siècles la seule question que s’est posée notre civilisation patriarcale était de savoir comment nous pouvions jouir sans homme » (Bonnet, 123), a priori reposant sur la naturalisation du concept de complémentarité. Affirmant l’hétérosexualité comme un régime politique[21] binarisant les genres et justifiant ainsi l’oppression, certaines autrices dénoncent ce processus : « le patriarcat a inventé la Grande logique Hétérosexuelle : les hommes et les femmes seraient complémentaires de par leur Différence sexuelle » (Monique, 43). L’intériorisation de sa valorisation jusque dans l’intimité des relations nécessite de s’en défaire afin de produire de nouveaux signifiants, voire de nouveaux mondes sociaux aux « modalités à inventer [22] » qui « forment une histoire intime à créer » :

 

Je cherche l’âme dans le corps et le corps dans l’âme : ils s’incrustent étroitement, étrangement, [...] et tout alors est interpénétration par caresse ou analogie, correspondance […] Tout est art à inventer, modalité d’être qui n’a de valeur que par rapport à cette fin : combler l’autre le plus totalement possible […] d’une manière subtilement décalée plutôt qu’inversée ou plutôt que symétrique (Geneviève, 2).

*

Deux lignes subreptices dans l’apaisement de l’Encounter

                                                … se rencontrent un jour et parce

                                                Qu’elles cueillaient des fleurs,

                                                Toutes deux se sont crues pareilles[23]

Mais non puisque tu dis

I like        need what is OTHER in you

Because we are similar[24]

Semblables sinon en la semblance

Amoureuses

                   (Compatibles) (Causse, 63).

 

Partant de leurs expériences respectives, les autrices s’inscrivent en rupture contre une idéologie dominante qui voudrait que leurs sexualités s’incarnent dans le manque, en raison de corps analogues qui n’auraient rien à s’apporter mutuellement. Par l’exaltation de la ressemblance, non des corps ou des personnalités mais par opposition à cette complémentarité hétéronormative, c’est le rapport de chacune qui se voit (ré)inventé.

 

Dans la relation lesbienne, c’est la double pénétration analogique, le contact et l’absorption, l’absence d’effort d’adaptation, la coulée sur, ce qui n’est pas encore tout à fait accessible par les mots que nous possédons, car ils sont trop vieux et trop chargés d’une culture lourde et dont nous sommes imprégnés […] Les unes et les autres essayons de nous ailer (sic) avec le moins de mémoire possible, le moins de parole possible, et peu à peu, se  dégagera le vécu le plus précis (Geneviève 3).

*

Mais par où te pénètrerais-je encore quand je ne cesse de te pénétrer m’endédaler labyrinther méandrifier en TOI dédaléenne en le dedans le dehors et intensément (Causse, 61).

 

La relation lesbienne s’invente en dehors de la dichotomie actif / passif que sous-tend la complémentarité, faisant de chacune des partenaires une « étante[s], car jamais passivement ne consentant » (Causse, 63). La « double pénétration analogique » permet de concevoir une relation de correspondance entière et mutuelle peu exprimable par des mots incarnant trop l’idéologie dominante pour décrire l’expérience vécue et ne laissant aucune place à d’autres imaginaires. En remettant en cause des constructions socialement ancrées, impensées, les autrices partent de leurs vécus pour produire savoirs et théories militantes. Dans cette perspective, le « je » qui se performe dans la relation tend irrémédiablement vers l’affirmation d’un « nous ». Ce dernier ne se crée pas uniquement contre le système patriarcal, mais dans la production de nouveaux signifiants nécessaires à son existence : « à mon avis, si la fierté lesbienne ne tenait son sens que dans la résistance à l’oppresseur, elle finirait par piétiner » (Grimard-Leduc, 50).  Il s’agit donc de se construire par soi, pour soi-même et pour les autres, à partir des expériences quotidiennes et dans une perspective qui universalise le point de vue lesbien plutôt que de le particulariser : « je ne peux prétendre à l’universel qu’au travers de mon vécu, en l’occurrence un vécu de lesbienne » (Grimard-Leduc, 52). Cette pratique discursive vise le basculement « du sujet dominé en tant que sujet à part entière […] qui s’approprie la langue en fonction de son analyse politique » (Michard, 2). Pour que le sujet énonciateur devienne majoritaire par le pouvoir subversif du langage (2), il est primordial de faire confiance à son expérience non comme « prétention creuse » mais comme « refus de la conformité » (Laugier, 14-15[25]). C’est ainsi que l’expérience peut « constituer un savoir social sur nous-mêmes » (Claude & Nicole, 8) et devient créatrice de sens dans une perspective auto-sociobiographique. Des modes d’expressions hybrides mêlant les récits de soi et leurs théorisations surgissent de manière éparse mais cohérente. Ils s’inscrivent dans une pratique de narration d’expériences au sein de revues rassemblant les textes de celles qui « travaillent au cœur d’elles-mêmes pour offrir aux lesbiennes cette validation, cette auto-affirmation qu’il fallait chercher auparavant entre les lignes d’un texte ou celles d’une vie. » (Éditorial 2, 2). Cette citation fait écho aux recherches menées par les lesbiennes en quête de représentations d’elles-mêmes, dans l’histoire ou la littérature, en tant que « rare[s] groupe[s] humain[s] à avoir vécu et survécu en dehors de toute culture spécifique et sans aucune tradition orale ou écrite » et devant tout redécouvrir à chaque génération (Bonnet, 123). Par la pratique politique du récit de soi, les autrices contribuent performativement à produire et perpétuer leur histoire :

 

Une longue histoire hors de l’Histoire

De celle qui naquit avec une différence

Notre voir ou d’une vue récusant l’im-pensé[26] de l’officiel

Un vœu de nos vœux

Pulsionnelles en la pulsion

Productrice de l’histoire dès qu’elle

                                                 Féconde une vision décidée du réel (Causse, 63).

 

La « vision décidée du réel » qui émane de « notre voir » souligne les ressentis issus de l’expérience, qui transforme les représentations et le rapport au monde. C’est affirmer son réel et par là-même son existence à soi, et celle d’une communauté politique, culturelle et historique, au sens le plus fluide. D’autres privilégient la terminologie de mémoire collective « en dissidence » qui se constitue d’elle-même comme « construction dynamique et perpétuelle » et « libérée des mythes oppresseurs » (Fourcand, 132-134). Se rendre visible par l’intermédiaire du récit de soi permet d’agir au niveau individuel vers la production d’un collectif et sur des temporalités plus larges que le présent de narration. Cette forme de récit opère selon un « mouvement centrifuge d’expansion », dont la « propension à la dispersion donne à voir chaque texte comme une ligne de fuite […] qui s’origine d’un noyau commun et qui s’épanouirait dans une dimension […] singulière et créative » (Galichon, 63-64). Une forme de récit qui s’accorde avec le fond des textes produits, en faisant un médium quasi idéal pour ses autrices. Les productions de soi lesbiennes s’organisent en effet autour de partage d’expériences enrichissant de manière expansive une histoire du noyau (ou kernel story, Kalcik 1975) en perpétuelle évolution : « on entreprend chaque fois une lutte, on décortique, on analyse, on imagine, au bout du compte, invente-t-on un peu » (Brunet, 64). Cette pratique performative de l’histoire, qui émerge des vécus et s’en nourrit, nécessite un échange (même indirect) entre les récits-vécus des autrices et leurs lectrices, missions dont se prévalent certaines rédactions. 

 

Dans ce face à face avec la lectrice, dans cette réversibilité du vécu à chacun des textes, s’inscrivent en hologramme les sens lesbiens, modifiant ainsi la réalité (et non la catégorisant). Ainsi se créent de nouveaux espaces, ainsi Vlasta se transmue-t-elle en énergie d’où émergeront de multiples possibles (Éditorial 2, 2).

 

Il ne s’agit donc pas d’échanger les catégories contre de nouvelles mais bien de laisser place à d’autres possibles, plus nombreux et plus riches, fortifiés par chacune, émettrices comme réceptrices. L’écriture en « je » participe ici d’un « déconditionnement mental » : amorcé par le conflit entre l’intériorisation hétéronormative et la réalité des vécus, ce dernier est (ré)affirmé dans le récit de soi, permettant de « recevoir avec une autre écoute ces mots difficiles à naître car ils émanent d’un autre monde. » (Bonnet, 123).

 

II.2. (Ré)inventer « l’amoure », performer l’érotisme : le corps en « je », l’amour en « nous »

 

          Écriture à la fois créative et productrice de sens, la poésie apporte une liberté et une souplesse qui se prêtent à la (ré)invention de soi. Porteur de significations personnelles, politiques et émotives, explicites et métaphoriques, ce genre littéraire s’est particulièrement développé dans les pratiques d’expression lesbienne[27]. Ce médium est pour Geneviève « le plus individuel, donc le plus fort et le moins rêveur qui soit » pour exprimer « la volupté qui envahit deux êtres » (2). Dans les écrits, les termes sont revus, l’amour est repensé, le soi – et le « je » - sont restructurés pour performer d’autres réalités. On relève un rapport étroit entre ce qui se vit et sa performance écrite, par des analogies entre les corps et les mots :

 

L’intérieur de nos mains affleurent l’écriture des lignes, jalons de nos vies […] un langage d’affleurement en courbe d’arc, ample […] Nos peaux roulent sous nos doigts : peaux, parchemins au grain de nos histoires (Charest, 46).

*

le corps immense de m/a Sappho, tout couché entre les lignes, ses ongles tenus entre les mots, ses cheveux dans le fragments de texte, son sexe, vulve, clitoris, lèvres, membranes souples, se développant au cours des pages (Anonyme 5, 3).

*

T’aimer, c’est penser avec ma peau tout ce que je suis, dans l’inédit et le recommencé des mots (Brossard, 83).

 

        Le corps dans sa relation intime à l’autre s’entremêle à l’écriture qui conserve sa mémoire. Seules celles qui l’expérimentent sont à même de transcrire un langage d’affleurements et de caresses qui s’inscrivent dans les peaux comme sur du papier. L’analogie souligne l’importance d’un langage autonome pour se penser soi-même, en tant que personne qui se construit dans la relation lesbienne, et pour écrire ce qui n’a pu l’être explicitement. Notons toutefois que les extraits cités sont ceux d’écrivaines rédigeant pour les revues ou citées par les rédactrices pour les faire connaître aux lectrices, hormis celui réattribué à Wittig mais paru anonymement[28] (Anonyme 5). Ce dernier retient l’attention pour son emploi scindé du « j/e »[29] et sa réflexion sur la construction du sujet :

 

Un moie est apparu devant les yeux du sujet j/e, très peu déterminé comme sujet, c’est le moie de Marie, c’est le moie le plus beau, il faut quelque chose de plus, une explication, donne-moie ton moie que j/e m//y noie (Anonyme 5, 3).

 

La scission de pronoms personnels, qui passent habituellement inaperçus, sature l’espace visuel : la lectrice prend conscience de leur présence prépondérante dans un système grammatical qui les rend « impersonnel puisqu’ils sous-entendent “l’humain” c’est-à-dire le “masculin” » (Rosenfeld, 55). Ce texte s’inscrit dans la lignée des utopies lesbiennes qui s’appliquent à subvertir les « rôles et préjugés de l’idéologie dominante » par le moyen d’un nouveau langage développé chez les autrices francophones en lutte contre une « division meurtrière d’une langue sexiste » afin d’« exprimer [leur] propre vision du monde » (55). Le « moie » pourrait être ce sujet lesbien qui fait face au « je » scindé. Il émerge de soi mais existe chez l’autre, permettant aux sujets lesbiens d’entrer en relation. Notons que l’ajout du « e » chez Wittig n’est pas une féminisation mais une lesbianisation du langage, qui rend aux mots leur « force générique » (60) par le même processus d’universalisation du sujet minoritaire évoqué plus tôt. Nous ne disposons malheureusement pas des intentions des autres autrices (féminisation ou lesbianisation) mais pouvons souligner que cette pratique de transformation des mots est une récurrence des récits de soi poétiques. On la retrouve pour des adjectifs : « émotionnes », « mouvementes », « amoure » (Anonyme 7, 53) ; des expressions : « belles et biennes vivantes » (gin xxx, 53) ; ou des accords : « nos regards sérieuses et lascives, quand nos yielles[30] viennent se chercher » (53). Avec des modifications telles que « tempéramante » (gin xxx, 53) ou « firmamante » (Anonyme 7, 53), elles font apparaître en suffixe le terme « amante » privilégié pour décrire leurs relations. La lesbianisation des récits s’ancre également dans l’analogie entre corps et paysage, où les champs lexicaux liés à l’eau, au floral et aux couleurs. Le violet, qui participe à la production d’un imaginaire lesbien[31], occupe une place essentielle : 

 

Violette est la nuit où tu m//apparais, m/a Sappho […] Quelque pauvre mortelle dans son sommeil gémit, touchée par ton haleine violette […] Par milliers les signes se pressent, écrits à l’encre violette, marqués par l’amour infaillible, j//écris ce livre à la couleur de la lavender menace […] Violets sont leurs longs cheveux secoués. Une vulve violette éclaire le ciel  (Anonyme 5, 3).

*

Et voilà que je cherche une couleur pour lui répondre

Un parfum plus prenant

Et les roses sont là

Mauves comme l’aurore à l’ombre des paupières (Bernheim, 96).

 

Chez Wittig, la couleur violette s’associe à des réalités multiples (nuit, encre) mais également à des parties ou émanations du corps qui renvoient à un imaginaire érotique (haleine, cheveux, vulve) et politique (lavender menace[32]). La couleur n’a pas simplement un but descriptif : l’ambiance des poèmes en est emplie, englobant le monde tout comme la nuit ou l’aurore, spécificité qu’on retrouve également avec l’eau. Imagées ou explicites, les allégories s’intègrent aux émotions vécues par les autrices : 

 

Je n’aime que les vents d’un ciel sans nom.

Des poussières de nuages dispersées

Des houles de gouttes, des caresses liquides,

D’un corps à boire et à rejoindre (Françoise, 11).

*

L’eau ou plus exactement la mer

Médium de ces matinées opales donne vie à ma voix

Je suis de toi le souffle de la peau à l’oreille céleste (Rebecca, 47).

*

[...] toujours cours la bouche en crue craignant rushing out spilling out[33] débordante car m’ébranle me fissure m’éclate sans possible déposit me retire mer mirage toujours clamant vers (Causse, 60-61).

*

m/a sébile est pleine à craquer, la salive de la plus belle eau [MA SALIVE] la remplit, quand seule la cyprine [VOTRE CYPRINE] devrait, mais silence, j/e bave, c’est un fait que nulle n’y trouve à redire (Anonyme 5, 3).

 

« L’eau lesbianise » (Anonyme 7, 53) les textes, désignant les fluides corporels ou faisant écho aux mouvements et débordements des corps et de leurs émotions. Symboliquement, elle est un élément qui échappe au contrôle, finissant par trouver son chemin pour s’écouler malgré les obstacles. Le corps des amantes se mue en liquide à incorporer, ou en mouvements semblables à ceux de la mer. Les métaphores de l’érotisme entrent en écho avec les éléments naturels qui transcendent et « débordent » les corps. Actrices ou observatrices de chaque geste, ceux-ci impliquent un rapport précis avec un fragment[34] de leurs corps ou de celui de leurs partenaires :

 

J’ai envie que tes lèvres se posent sur mon verre

Je regarde ta main glisser sur un papier

Ton regard imprécis un instant sur ma peau (Bernheim, 96).

*

mon tympan collé à tes borborygmes ma bouche toute de papilles

A ta peau

En un silence qui n’est pas insolence mais

Espoir de Moby Dick frétillantes au bout d’une ligne nos possibles

Dans ma frénésie à te vivre (Causse 1984, 70).

 

Chez Causse, la construction du verbe intransitif « vivre » (habituellement associé au sujet logocentrique), devient transitive par l’intermédiaire du « te » qui renvoie à l’autre et non plus à soi. Cette pratique accentue « la sensation des échanges infinis entre des sujets lesbiens et le corps d’une semblable » et participe à l’expérimentation d’une « syntaxe lesbienne » basée sur les unions (Rosenfeld, 57). Les fragments des corps font écho à des gestes et regards impliquant les autrices d’une manière similaire dans leur connexion à l’autre. Nommer le sexe et les fluides féminins avec des termes peu usités dans le langage dominant participe également de cette production lesbienne. Les mots « clitoris », « cyprine » et « vulve » s’affichent, comme dans ce poème : « déesses je vous aime prenez des positions obscènes vous écartez vos cuisses vous posez vos pieds au-dessus de votre tête votre sexe vulve est impérieuse » (Anonyme 6, 20). Evitant les « métaphores idéalistes qui dénaturent la réalité des corps » et les « mots vulgaires qui en font un objet sexuel » (Rosenfeld, 59), les autrices font exister leur langage érotique dans toute sa dimension politique, quand certaines témoignent d’une incapacité à décrire leur propre sexe ou à connaître son fonctionnement avant d’entrer en relation intime avec d’autres femmes :

 

Je ne savais pas décrire mon sexe ni celui de ma partenaire, mais j’essayais de savoir quel plaisir on obtient par quelles caresses : ce savoir, cette technique me paraissait indispensable. […] A partir d’un certain moment, j’ai su nommer, désigner, décrire le sexe féminin. J’ai pu parler des orgasmes que je commençais à connaître (Anonyme 4, 21).

 

L’apprentissage d’une relation qui s’invente ensemble se retrouve dans le texte de Geneviève : « ce qui appelle de ma part et de la part de l’autre un apprentissage de ce corps que j’aime tel qu’il est arrivé dans mes mains et sous mes lèvres » (2). Chez Wittig, la compréhension de soi dans la relation éclaire ce qui a été caché, les désirs comme les mots :

 

j//ouvre m/on entendement, j/e comprends tout à coup quel désir m//a été tenu caché, j/e pleure des larmes de joie, j/e connais les sens des mots les plus obscurs, j/e m/e modifie à toute vitesse, j/e désire à la folie entrer par cette brèche dans le monde que tu m/e désigne (Anonyme 5, 3).

 

La réitération du « j/e » scindé décentre la modification de soi en la conditionnant à l’autre dans la relation amoureuse, par l’intermédiaire du monde qu’elle lui désigne et qui dépend lui aussi de cette profonde interaction. Le corps, par ses ressentis et ses émotions, occupe une place essentielle dans la production de nouveaux signifiants et de savoirs (politiques) sur soi-même, permettant d’« écrire intelligemment avec son ventre » (Grimard-Leduc, 54) :  « La lesbienne le sait : une pensée qui n’est pas soutenue par un corps est une pensée volatile. Il n’est de science que du corps. » (Causse, 1991). Comme pour la plupart des extraits, ce dernier rend compte de « l’importance capitale » de la « passion lesbienne […] dans la reconstitution du sujet » (Rosenfeld 59) : devenues « sujètes relationnelles », les autrices ne sont plus objectivables et ne peuvent donc plus être énoncées que par elles-mêmes (Causse 1991).

 

Conclusion

 

         Dans la multitude de récits de soi produits durant les vingt ans qui séparent la première et la dernière parution choisies, les autrices témoignent, théorisent, performent leurs expériences de vie. L’expression en « je » est vectrice du désir d’exprimer ce qui a été contenu ou réprimé, des chuchotements aux cris débordant les corps. Analysant les silences imposés par un régime hétéropatriarcal oppressif, les autrices construisent leurs récits entre désir de visibilité, préservation de soi et production d’une lutte collective au travers de l’écriture : « je suis celle qui écrit, celle qui crie son besoin du cri » (Gomez, 8). Publiée en 1990, elle s’inscrit en faux contre le « je n’écris pas » par lequel nous avions débuté. Par l’intermédiaire des récits a posteriori, les autrices reviennent sur leurs traumatismes et leurs résistances à la performativité de genre expérimentée dès l’enfance et l’adolescence, se réappropriant ainsi politiquement un passé empli de décalages et de répressions au prisme d’un éclairage lesbien, d’une lesbianisation de leur histoire. Parfois non signées ou uniquement d’un prénom, ces productions questionnent également le « je » dans le cadre d’une anonymisation qui n’exclut pas, voire encourage, la dés-invidualisation d’expériences ainsi réintégrées à des contextes socioculturels et politiques. Les récits s’incluant à des revues lesbiennes et féministes, les imaginaires se rencontrent et s’échangent, contribuant à créer des mondes poétiques aux significations cohérentes. Au fur et à mesure des écrits, chacune participe à faire exister des imaginaires, à rendre ses mondes réels et à performer son vécu dans un partage collectif. Les autrices alimentent ainsi des représentations qui leur avaient personnellement manqué ainsi que des univers créatifs, lesbianisant et politisant le langage. Au cœur des lignes, c’est un « je » lesbien qui émerge de sa relation amoureuse, érotique et politique, un « je » producteur de savoirs et de mémoires où le corps et ses émotions occupent une place essentielle. Dans ces revues désormais archives, s’inscrit tout un pan d’une histoire politique, culturelle et sociale dont la forme écrite permet la préservation. Leur consultation récurrente et les nombreuses recherches et réflexions qu’elles inspirent témoignent de la nécessité de produire ces traces en « je » qui donnent une épaisseur à l’histoire, une corporéité aux théories politiques et témoignent aussi de la richesse des récits de soi lesbiens.

 

 

 

[1] Le Torchon Brûle (1971-1974 - Paris, bulletin de liaison du Mouvement de Libération des Femmes - MLF,), La revue d’en Face (1977-1983 - Paris), Groupe de Lesbiennes Féministes (1977 - Paris), Les Femmes et les Femmes d’abord (1980 - Angers), Amazones d’Hier, Lesbiennes d’Aujourd’hui (1982-1999 -Montréal), Contribution à notre mémoire collective (1980-1981), Paroles de Lesbiennes Féministes (1980-1981 – Aix en Provence), Vlasta (1983-1985 - Paris), La Grimoire (1987-1995 – Albi/Toulouse), …Suite des cris (1989-1991 - Paris). Pour AHLA : nous précisons que les premiers numéros étaient spécifiés « Pour lesbiennes seulement ». Bien que les plus récents aient abandonnés cette mention, nous choisissons de respecter cela et avons fait deux choix : citer uniquement les autrices connues et déjà publiées dans d’autres médias et citer quand nécessaire et comme illustration de très courts extraits ne trahissant pas la réflexion complète de l’autrice. Toutes ces revues sont consultables au Centre d’Archives, Recherches et Cultures Lesbiennes de Paris (ARCL). 

[2] Il peut s’agir d’une ligne féministe, lesbienne féministe, radicale ou politique notamment. Nous ne pouvons malheureusement pas ici développer les fondements de chacune de ces productions militantes et politiques, complexes et longuement débattues, car cela ferait l’objet de plusieurs articles. Pour le contexte français, nous renvoyons à d’autres écrits récents tels que ceux produits par Eloit ou contemporains aux revues : Turcotte, Wittig entre beaucoup d’autres.

[3] Ou asynchrone. Là où le récit synchrone permet une mise en souvenir, le récit a posteriori permet une recherche analytique, « éthique et esthétique de l’expérience de l’écriture ». (Galichon, 75).

[4] Dans une étude datant de 2010, Octobre souligne que dans l’éducation sexuée des enfants, certaines « “qualités” supposées intrinsèques » sont toujours à « faire coïncider afin de “bien faire” la fille ou le garçon ». Selon l’autrice, le « calme » reste une qualité « vantée » par les parents pour leurs filles, contrairement « au “besoin de bouger” et de “se défouler”de leurs garçons » (55).

[5] Butler entend par cette expression qu’une performance quotidiennement répétée et exécutée produit des caractéristiques de genre qui « ont l’air naturelles », puisque réalisées sans apparentes contraintes, observables et reconnaissables selon les normes de la culture dans laquelle elles s’exécutent. (Voir Trouble dans le Genre. Le Féminisme et la subversion de l’identité (1999 [1990], 256).

[6] Texte réattribué à Catherine Deudon (Centre d’Archives du féminisme d’Angers : Calames : Fonds Deudon, Catherine, 32 AF (abes.fr))

[7] Bien entendu, il ne s’agit pas d’associer automatiquement un refus de performer les normes de genres avec une orientation sexuelle. Nous nous référons ici strictement aux récits de vie qui composent nos matériaux d’analyse.

[8] Terme emprunté à Monique Wittig dans son texte « On ne naît pas femme ». Elle y dénonce le mythe de « la-femme » (soit performant tous les critères imposés à son genre) dans une perspective féministe matérialiste, s’appuyant sur l’analyse du concept de race de Guillaumin, qui démontre que « la marque ne préexiste pas à l’oppression », soit n’existe pas en dehors de la relation socio-économique et du « réseau de relation » (48) qui construit les individu·es. Elle écrit ainsi : « Avoir une conscience lesbienne, c’est ne jamais oublier à quel point être “la-femme” était pour nous “contre-nature”, contraignant, totalement destructeur […] C’était une contrainte politique et celles qui y résistaient étaient accusées de ne pas être de “vraies”femmes.» (48-49).

[9] La référence au terme « colonisé·e » est une analogie très usitée à cette période pour analyser la manière dont les femmes et/ou les lesbiennes se retrouvent dépossédées de leurs histoire, culture, langage et assimilées aux représentations qui leurs sont imposées par le système (hétéro)patriarcal. On la retrouve ainsi chez Bonnet : « Nous avons été colonisées jusque dans nos têtes et nos consciences par l’idéologie patriarcale. » (124).

[10] Sujet de vérité ne signifie pas qu’il soit « indispensable qu’[elles] disent la vérité » (Foucault, 509). En effet, il ne s’agit pas « de répondre à l’injonction de “manifester ce que l’on est” mais de créer un espace de liberté non pas pour dire toute la vérité, mais pour parler en vérité. » (Galichon, 48).

[11] Butler synthétise ici la proposition de Cavarero (2000).

[12] Nous noterons cependant que pour certaines des participantes à cette conversation transcrite, l’écriture ne peut constituer une forme d’échange « direct » au même titre que la parole, les réceptrices ne pouvant pas confronter leurs points de vue directement avec l’autrice. Dans cette perspective, c’est l’intérêt de l’échange pour l’autrice, d’un retour sur sa production, qui est justement remis en question. Cependant, nous prenons ici le parti de considérer la publication des récits de vie comme un échange, même différé, produisant à la fois des transformations sur l’autrice et sur ses réceptrices, dans l’action de l’écriture et de la publication pour l’une, dans l’action de lecture et d’appropriation du récit pour l’autre.

[13] Le terme «  Éditoriale » est ici employé au féminin car tel était le choix de rédaction de la revue La Grimoire.

[14] Récit écrit sous forme de poème en prose, dont nous respectons ici la forme originale.

[15] Ce qui n’a pas été exempt de débats importants. De nombreux textes politiques lesbiens présents dans les revues citées s’opposent notamment au groupe féministe « Psychanalyse et Politique » issu du M.L.F. 

[16] Ce qui aurait pu être le cas, l’homosexualité étant classé parmi les maladies mentales par l’Organisation Mondiale de la Santé jusqu’en 1990. Cela a bien entendu pu aussi être le cas mais n’est pas relaté dans notre corpus d’analyse.

[17] Lorsque le lesbianisme est invisibilisé, la personne est considérée hétérosexuelle de principe aux yeux des autres. Aussi les oppressions qui obligent à cette clandestinité sont rendues tout aussi invisibles.

[18] Il ne s’agit pas pour autant de prétendre à une unité des pratiques et théories lesbiennes et féministes, qui ont été traversées de très nombreux débats, conflits et nuances et ce jusqu’à aujourd’hui. Cela étant, la prise de conscience d’une oppression sociale commune en lieu et place de problématiques auparavant « privées » ou individualisées est une dynamique largement répandue et à la base même de l’analyse des oppressions [hétéro]patriarcales.

[19] Nous nous appuyons ici sur l’ouvrage de Galichon Le récit de soi. Une pratique éthique d’émancipation. Synthétisant de nombreux travaux, Galichon soutient l’idée de la transversalité du récit de soi, exclu de toute catégorie fixe, le liant ainsi au principe de généricité : « les récits de soi regroupent à la fois des journaux, des correspondances, de la poésie [...] Ils ne peuvent se suffire, ne se limitent pas à une catégorie » (63).

[20] Développée dans la thèse de Bonnet, Un choix sans équivoque, dont Marianne retranscrit un extrait dans le texte complet.

[21] Voir notamment La pensée straight de Monique Wittig. 

[22] En choisissant de présenter ces extraits, nous n’ignorons pas les contre-discours et critiques sur l’idéalisation des relations lesbiennes, amoureuses et/ou sexuelles. Maryse (4) émet par exemple des réserves contre un discours mystificateur qui « n’aide pas à [nous] rencontrer, nous [‘sigle’ femme] avec nos contradictions et nos désirs ». Elle précise à juste titre que les phénomènes de négation, d’utilisation et d’enjeux de pouvoir au niveau individuel existent entre femmes et ne souhaitent pas que des « mirages » « obstruent [cette] réalité ». Nous faisons cependant le choix de ne pas confronter ici les multiples points de vue intimes et politiques sur cette question au profit de textes proposant une (ré)invention des relations lesbiennes, une lesbianisation du discours amoureux (notamment dans les poèmes qui suivront), et des autrices les ayant partagés par écrit à la première personne, au risque assumé de pencher quelquefois vers une poétisation de ces rapports. 

[23] En italique dans le texte initial.

[24] « J’aime__besoin de ce qu’il y a d’autre en toi, Parce que nous nous ressemblons » (traduction personnelle). En gras dans le texte initial.

[25] Laugier synthétise ici la pensée d’Emerson (2000 [1841]).

[26] Ce terme est scindé ainsi dans le texte initial.

[27] Qui dispose d’un solide héritage culturel (Sappho, Vivien, Barney, Lorde, Monnier, Wittig). Brossard cite d’ailleurs certaines de ces poétesses et d’autres écrivaines dans la publication de son journal intime, réfléchissant à un « quotidien des couples de femmes » propice, selon elle, à la création comme « inévitable mise en scène […] qui consiste pour une femme à projeter de tout son être sur une autre femme le meilleur d’elle-même », productrice d’une « intelligence propice à l’imaginaire » (81).

[28] Nous apportons cette précision non pas pour présupposer arbitrairement d’une qualité supérieure d’écriture, mais simplement pour nuancer la prépondérance de cette analogie chez des autrices ayant un rapport étroit avec l’écriture.

[29] Cette syntaxe est d’ailleurs au centre de son ouvrage Le Corps lesbien.

[30] Comprendre « yeux ».

[31] La couleur violette est en effet associée aux mouvements féministes et particulièrement lesbien, qu’il s’agisse de la couleur ou de la fleur. On la retrouve déjà dans les poèmes de Sappho.

[32]  La Lavender Menace est le nom donné par Friedman, co-fondatrice du mouvement féministe Etats-Uniens N.O.W., hostile à l’ouverture aux questions lesbiennes, ce qui a donné naissance au manifeste « The Woman Identified Woman » par les Radicalesbians en 1970, considéré comme un document fondateur du féminisme lesbien anglophone.

[33] Littéralement « se précipiter, renverser » (traduction personnelle). L’alternance entre les langues anglaises et françaises dans une même phrase est courante dans certains poèmes de Causse, écrivaine québécoise.

[34] Cette question centrale de la fragmentation des corps est développée chez Butler dans son analyse des écrits de Wittig (1999, 228). Elle y souligne la difficulté à penser cette fragmentation puisqu’en nommer les parties est un acte réduisant le corps à des parties érogènes, ce que les femmes subissent par ailleurs dans toutes sortes de représentations (publicités, films, etc). Butler explique également la fragmentation lesbienne de Wittig comme destruction du corps sexué et non comme fragmentation catégorisante.

 

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[1] Citation issue de l’œuvre de Suzanne Vertu, écrivaine québécoise (non référencé).

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À propos du/de la rédacteur.ice :

Mathilde Petit est chercheuse indépendante et a produit cet article dans le cadre de son parcours doctoral en Sociologie, en co-direction entre l’Université Paris Nanterre et l’Université Paris Vincennes Saint-Denis. Ses recherches explorent la manière dont les pratiques collectives d’archives et de mémoires lesbiennes participent à la production de savoirs militants et s’inscrivent dans les luttes politiques contemporaines.

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